… j’y pense là maintenant après deux jours deux
mille ans près de l’eau mercure gris ciel rougi cris des mouettes zigzaguant
tombant vol craie cendres zébrant l’air à fendre elles se disputent sèchement
un morceau de pain elles partent reviennent plongent et replongent elles
veillent sur le delta elles n’ont jamais froid je suis leur aigre concert leur
nasal bruit vert chutes luttes coassements criquements cliquant griminçant de
deux choses l’une en effet ou bien il est là en retrait éternellement vivant
revivant et nous sommes nous de simples apparitions et des ombres ou bien toute
cette histoire est une hallucination et nous sommes quand même des apparitions
et des ombres les juifs demandaient un signe les grecs la sagesse…
(Paradis, pp.
242-243, Philippe Sollers, Editions du Seuil 1981)
Nous sommes les
ombres des vrais hommes
au Ciel…
Soudain le
jour sembla s’être ajouté
au jour,
comme si le tout-puissant
avait
orné le ciel d’un deuxième soleil
(Paradis Chant I
vers 61-63, Dante, trad. Jacqueline Risset, Flammarion 2010)
…et soudainement
je le vis !
Le Labarum rouge
sur fond blanc !
Le bouclier
éternel des armées du juste
Dans le ciel entre
deux nuages entre deux flèches blanches
… et le bouclier
devint métal rougi
né des forges du
Saint-Empire
Et il frappa tous
mes ennemis de sa puissante lumière
… il marche devant
moi le porteur de bannière
Dans les sombres
défilés où la mort nous guette
Dans les déserts
mésopotamiens de sueur et de sel
Elle marche
lourdement l’armée de Sol Invictus
Vers
l’anéantissement dans la blancheur
Vers la gloire en
sa splendeur absorbée
Vers le Labarum
rouge sur fond blanc
Nous y revenons
nous rentrons
Nos ombres
s’effacent
… et nous fûmes
tous en lui !
Nous sommes les
ombres
Des vrais hommes
au Ciel…
Mais ce
que le signe qui me fait parler
avait
fait d’abord et devait faire ensuite
dans ce
royaume terrestre qui lui est soumis
devient
en apparence pauvre et obscur…
(Paradis Chant VI
vers 82-84, Dante, trad. Jacqueline Risset, Flammarion 2010)