Les Métamorphoses de
C. III
Le blog des Métamorphoses de C. a cinq ans !
A titre
de mémoire, je renvoie à deux liens, le premier billet publié sur le blog le 24
décembre 2011 et le premier billet commémoratif publié pour les deux premières
années du blog, le 31 décembre 2013.
Le
billet que je publie aujourd’hui pour rappel de cette aventure vous propose un
choix illustré de mon Journal de l’année 2016 - ni retour sur l’expérience des
cinq premières années du blog, ni tentative de prospection, mais simples
comptes rendus au temps qui passe puisés dans d’autres supports de l’éphémère,
filtrés et rassemblés en un bouquet de clôture.
Mais comment
dire ce que le blog est devenu ? Suffirait-il d’en parcourir les
évolutions à travers l’arborescence chronologique, fortement marquées ces deux
dernières années par quelques dissertations, lectures et recherches pour en avoir
une idée ? Quant à savoir ce qui s’y écrit, d’où ça parle et pour qui ça
parle, je crois que cela n’a pas grande importance car l’ensemble du projet n’a
jamais eu d’autre ambition que d’être un support d’écriture. Si c’était un mur,
il serait rempli de signes : hashtags, graffitis, sémagrammes, logos, gentils
tux, méchants trolls. Quelle en est la signification d’ensemble ? Je l’ignore.
Le blog n’offre plus d’outil de navigation balisé par mots-clés : ce médium
est dans le fond le prototype d’un anti-blog :
ni thématique, ni conversationnel, ni lié à l’actualité ou à des commentaires experts,
n’offrant pas d’autre aide à l’utilisateur que le sens premier, temporel du mot
qui le désigne : aphérèse du mot composé Web Log, « Journal » du Web, sur le Web, empruntant au
World Wide Web sa technologie de conception, production, impression, diffusion
– mais avant tout : « Journal », suite d’écrits datés plus ou
moins personnels, plus ou moins destinés à être lus.
Mes meilleurs vœux pour 2017.
Journal sélectif et
subjectif de l’année 2016
6 janvier
Entre une plage et une piste d'envol il y a plus qu'une similitude, la
structure identité de la ligne, une interface de temps. Avec Chris Marker pour
une image du film La Jetée (1962)
dans l’avion retour d’Athènes.
21 janvier
Invraisemblable
rhétorique de Sarah Palin qui n'étudia pas Aristote mais peut-être Omer Simpson
? Je ne sais pas. Just watch and read the analysis of The
Guardian. The FT says the
same thing. Pas si funny que ça évidemment... Iowa Caucus coming. Il parait que c'est
le discours qui plait à la base redneck.
Pas seulement aux USA. Just look around you
& just hear here, and here, and here... Notre Premier n'est pas vraiment plus fin. « La Belgique est business-friendly, elle est sexy
pour l'emploi et l'innovation ». Intellectuals are definitely going to
become fully extinct in this moronic world of masses (mass media et les masses
comme disait Arendt), qui aplanissent les monts et les vallées, nivellent tout
sur leur passage en route vers Ground Zero. Pray God. Teach your sons
how to use a gun.
3 février
Philosophe allemand d'origine coréenne, Byung-Chul Han décrypte les
phénomènes contemporains avec clarté et concision. Ainsi, dans ce dernier essai
Dans la Nuée : réflexions sur le
numérique, consacré à la transformation profonde de nos modes de vie, de
penser, d'agir politiquement, consécutifs au numérique, d’où je cite l’extrait
suivant :
“Agir, au sens que l’on donne ici à ce mot, est-il encore possible
aujourd’hui ? Nos actes ne sont-ils pas à la merci de ces processus
automatiques que même le miracle d’un recommencement radical ne pourrait plus
interrompre, et qui nous dépossèdent de notre pouvoir de décision ?”
Il me semble en effet que le concept de révolution politique ait été
adroitement recouvert par celui de révolution technologique - il suffit
d’écouter les discours de ceux qui façonnent l'opinion, cfr. la dernière
réunion du Forum Economique Mondial à Davos et l'annonce publicitaire d'une
"quatrième révolution industrielle", celle des objets nomades
connectés, de l'analytique prédictive de nos comportements, de la société
d'auto-surveillance généralisée et de la destruction du travail - pour se
convaincre qu'en effet les seules révolutions qui comptent dans l’esprit des
“Souverains” d’aujourd’hui sont celles liées à l'émergence et à la concurrence
des outils issus de la sphère techno-capitaliste. Pour citer Byung-Chul Han,
reprenant les propos de Carl Schmitt: “ ‘Est souverain celui qui dispose des
ondes de l’espace’. A l’issue de la révolution numérique, il nous faut de
nouveau reformuler ce principe de souveraineté : Est souverain celui qui
ordonne les déchainements de la Toile ”.
L'agir humain concerté dans un but de transformation politique radicale
quant à lui, n’a plus lieu d’être, il n’a plus aucune dignité ontologique dans
un monde transformé en “nuées”, où même les “révolutions” spontanées qu’on a pu
observer ces dernières années participent de cette culture de l’indignation, du
temps court et de la volatilité des émotions. Comme le dit l’auteur nous sommes
entrés dans l’époque de la psycho-politique.
15 février
Publicité pour la traduction de "Brain Washing" dans le magazine
américain Ability, 1963, vol. 149, d’une synthèse du manuel soviétique sur la
psycho-politique, attribuée à un certain Kenneth Goff, activiste américain
d'extrême-droite qui se présentait comme un ex-agent soviétique. "Brain
Washing" fut d'abord publié en 1955 sous la signature de L. Ron Hubbard et
de Kenneth Goff dans les éditions de l'Eglise de Scientologie. Nous sommes aux
origines d'une des branches du conspirationnisme contemporain avec le message :
"On vous manipule". A noter que c'est souvent par le détournement de
textes existants (il existait peut-être en effet une retranscription de la
conférence prononcée par Lavrenti Beria, le chef du NKVD soviétique, la police
politique, à des étudiants américains à Moscou en 1950), autant que par la
fabrication d'un faux, que se manifestent les objectifs de ces maîtres en
manipulation que sont "ceux qui deviennent dragons pour combattre d'autres
dragons" (je paraphrase une citation d'Hannah Arendt qui écrivait en 1953
pour le Washington Post un article virulent sur les Ex-Communistes, en pleine
période du maccarthysme). La citation exacte est la suivante: "on ne
saurait combattre un dragon ; nous persuade-t-on, sans en devenir un
soi-même" (in Penser l'événement, éd. Claude Habib, Paris, Belin, 1989, p.
167).
10 mars
In memoriam Jean Giraud / Moebius (8 mai 1938 – 10 mars 2012) who started his career with the
'Blueberry' series in 1965. The following picture is the cover of album Nez Cassé (1980). Blueberry is one of
the best comics series ever-made.
12 mars
Je notais le 3 février dernier à propos de l'essai de Byung-Chul Han
"Dans la Nuée. Essais sur le numérique", que celui-ci décryptait les
phénomènes contemporains avec clarté et concision. A nouveau, je ne puis que
recommander de lire ses ouvrages dont voici un autre exemple traduit en
français (La Société de la fatigue):
il s'agit, comme à propos de l'essai précédent, d'une suite de textes courts,
tels par exemple: "La société du burn-out", "La violence
neuronale", "L'ennui profond" etc, reliés les uns aux autres par
une critique du mythe de la "performance individuelle", dont le
revers sociétal, dit-il, est une "fatigue" généralisée qui procède --
et c'est là le point intéressant de sa thèse, d'un excès de positivité et non
pas de négativité. Que veut-il dire ? A la "puissance du négatif" de
la dialectique hégélienne (l'opposition, le refus, le conflit comme moteur de
l'histoire), Byung-Chul Han semble dire que notre époque est "sortie de
l'histoire", qu'elle est entrée dans une stase temporelle où plus rien ne
bouge, parce que, paradoxalement, les individus n'ayant plus d'autre référent
qu'eux-mêmes, sont engagés dans une compétition mortifère, non pas avec les
autres, mais avec un "idéal" auxquels ils sont soumis et qu'il s'agit
d'une servitude particulièrement perverse en ceci qu'elle leur fait croire que
les chaînes qu'ils choisissent de porter sont celles, non pas de l'aliénation
mais de la liberté. Cet excès de positivité provoque tôt ou tard
l'effondrement, par épuisement. La société de la fatigue est celle qui a fait
disparaître autrui. Il n'y a plus que des égos surdimensionnés en concurrence,
pour le plus grand profit de l'économie. A tel Maître : le Capital, tels
esclaves consciencieux : les "managers de soi" heureux de l'être.
Tous autoentrepreneurs ! Victoire totale de la société qui a signé "la fin
de l'histoire". J'ajoute ceci : lorsqu'en 1992, le spécialiste des
sciences politiques Francis Fukuyama fit paraître un essai retentissant :
"La fin de l'Histoire et le dernier homme", dans lequel il prenait
acte de la victoire du libéralisme et de l'avènement potentiel d'un
"gouvernement mondial" (au service du marché et des libertés
individuelles), il fut l'objet d'âpres critiques, mais il avait, je crois, vu
juste. Un essai comme celui de Byng-Chul Han que j'ai évoqué ici, parmi
beaucoup d'autres, n'a fait depuis un quart de siècle qu'enfoncer le clou. En
même temps j'ai le sentiment que la pensée critique est en panne. Un effet dû à
la fatigue sans doute...
16 mars
Passage rapide par la fac. Une vieille carte sauvée de la mise au rebut,
orne le mur d'un bureau : l'Europe au XIIIe siècle. Tracés, couleurs,
sinuosités. Noms disparus. Empires oubliés. Tout change mais avec lenteur, d'où
l'illusion de stabilité des frontières, des institutions pour nombre de nos
contemporains. Il faut plusieurs générations pour percevoir le passage du temps
historique. En général.
23 avril
En vidant une bibliothèque je tombe sur le vieil Index général de
l'encyclopédie "Tout l'Univers" de mon enfance. J'y étais abonné
entre 6 et 10 ans environ grâce à Eric, un ami d'école dont le père vendait les
collections. Je persuadai mes parents que c'était ce dont j'avais absolument
besoin et ce fut sans doute la première des plus importantes décisions de ma
vie. Les vingt volumes sont restés dans la maison parentale d'Athènes où ils
avaient déménagé depuis Bruxelles en 1983. Je les rapatrierai un jour ici où se
trouve leur place. Mais "ici" est en train de bouger car il se fait
que je suis à nouveau moi-même en déménagement ces jours-ci, au milieu de
caisses de livres. Je quitte Schaerbeek après un peu plus de deux ans et
m'installe avec ma blonde et ses enfants dans une belle maison à Laeken où il y
aura "Tout l'Univers", la lumière et tout l'amour du monde.
4 juin
Et. Donc. Spinoziste. Soi toi-même. In China. Spinoza in China. De. Avec. Production. Émancipation. Valises.
Voyages. Il a dit. C'est elle. Qui ? Ernesto. Avec Perrin. Marc Perrin
Vu. Entendu. Lu. Même parlé avec in China. Une ou deux fois. C'est donc le voyage d'Ernesto en Chine et ça raconte : une série de bandes dessinées, des aéroports, un dragon, un très long SMS du papa d'Ernesto. Au début de. Avec donc et merci à Fabrice l'éditeur du Dernier Télégramme et à la boutique Maelström aussi où tu trouves Spinoza toi-même in China. Franchement. La joie. C'est le premier volume d'une série pour les 34 prochaines années. Marc Perrin, c'est l'auteur. Spinoza c'est l'Ethique de. Ernesto c'est toi aussi. Bon voyage.
Vu. Entendu. Lu. Même parlé avec in China. Une ou deux fois. C'est donc le voyage d'Ernesto en Chine et ça raconte : une série de bandes dessinées, des aéroports, un dragon, un très long SMS du papa d'Ernesto. Au début de. Avec donc et merci à Fabrice l'éditeur du Dernier Télégramme et à la boutique Maelström aussi où tu trouves Spinoza toi-même in China. Franchement. La joie. C'est le premier volume d'une série pour les 34 prochaines années. Marc Perrin, c'est l'auteur. Spinoza c'est l'Ethique de. Ernesto c'est toi aussi. Bon voyage.
5 juin
Complément à la conférence de Corentin de Salle entendue hier sur l'esprit
du capitalisme et sur la dernière partie de cet exposé dans lequel le
conférencier expliquait en quoi les idées d'Hernando de Soto sont (à mon sens)
proprement révolutionnaires pour les pays pauvres, cette
interview (et retranscription) en anglais, d'Hernando de Soto, économiste
péruvien, auteur du livre: "The Mystery of Capital: Why Capitalism
Triumphs in the West and Fails Everywhere Else" dans lequel il défend la
thèse selon laquelle l'économie des pays pauvres recèle en fait d'énormes
gisements de richesse non-exploités; non pas richesses en matières premières,
mais capital inutilisé (sous forme de biens matériels immobiliers, de terres,
et de capacités entrepreneuriales) parce qu'informel, échappant à des droits de
propriété reconnus et protégés par un système légal qui garantisse l'égalité en
droits dans l'accès à la propriété pour les plus démunis. Il s'agit d'une thèse
très forte, qui explique que la création de richesses repose en grande partie
sur des bases institutionnelles lesquelles supposent elles-mêmes un état garant
de l'égalité des droits de tous les citoyens indépendamment de leur condition
sociale. A l'opposé de ce système égalitaire et producteur du "capital
vivant" et de la prospérité, "la cloche de verre" sous laquelle
s'isolent les privilégiés d'un système qui ont tout intérêt à maintenir
l'immense majorité de la population dans le non-droit en y cadenassant l'accès
sous une bureaucratie corrompue.
18 juin
J’entretins alors M.
Churchill du projet d’union des deux peuples. « Lord Halifax m’en a parlé, me
dit-il. Mais c’est un énorme morceau. – Oui ! répondis-je. Aussi la réalisation
impliquerait-elle beaucoup de temps. Mais la manifestation peut être immédiate.
Au point où en sont les choses, rien ne doit être négligé par vous de ce qui
peut soutenir la France et maintenir notre alliance. » Après quelque
discussion, le Premier Ministre se rangea à mon avis. Il convoqua,
sur-le-champ, le cabinet britannique et se rendit à Downing Street pour en
présider la réunion. Je l’y accompagnai et, tandis que les ministres
délibéraient, me tins, avec l’ambassadeur de France dans un bureau attenant à
la salle du Conseil. Entretemps, j’avais téléphoné à M. Paul Reynaud pour l’avertir
que j’espérais lui adresser, avant la fin de l’après-midi et d’accord avec le
gouvernement anglais, une très importante communication.
…
Poursuivre la guerre ? Oui,
certes ! Mais pour quel but et dans quelles limites ? Beaucoup, lors même
qu’ils approuvaient l’entreprise, ne voulaient pas qu’elle fût autre chose
qu’un concours donné, par une poignée de Français, à l’Empire britannique
demeuré debout et en ligne. Pas un instant, je n’envisageai la tentative sur ce
plan-là. Pour moi ce qu’il s’agissait de servir et de sauver, c’était la nation
et l’Etat.
Je pensais, en effet, que c’en serait fini de l’honneur, de l’unité, de l’indépendance, s’il devait être entendu que, dans cette guerre mondiale, seule la France aurait capitulé et qu’elle en serait restée là. Car, dans ce cas, quelle que dût être l’issue du conflit, que le pays, décidément vaincu, fût un jour débarrassé de l’envahisseur par les armes étrangères ou qu’il demeurât asservi, le dégoût qu’il aurait de lui-même et celui qu’il inspirerait aux autres empoisonneraient son âme et sa vie pour de longues générations. Quant à l’immédiat, au nom de quoi mener quelques-uns de ses fils à un combat qui ne serait plus le sien ? A quoi bon fournir d’auxiliaires les forces d’une autre puissance ? Non ! Pour que l’effort en valût la peine, il fallait aboutir à remettre dans la guerre, non point seulement des Français, mais la France.
Je pensais, en effet, que c’en serait fini de l’honneur, de l’unité, de l’indépendance, s’il devait être entendu que, dans cette guerre mondiale, seule la France aurait capitulé et qu’elle en serait restée là. Car, dans ce cas, quelle que dût être l’issue du conflit, que le pays, décidément vaincu, fût un jour débarrassé de l’envahisseur par les armes étrangères ou qu’il demeurât asservi, le dégoût qu’il aurait de lui-même et celui qu’il inspirerait aux autres empoisonneraient son âme et sa vie pour de longues générations. Quant à l’immédiat, au nom de quoi mener quelques-uns de ses fils à un combat qui ne serait plus le sien ? A quoi bon fournir d’auxiliaires les forces d’une autre puissance ? Non ! Pour que l’effort en valût la peine, il fallait aboutir à remettre dans la guerre, non point seulement des Français, mais la France.
…
La première chose à faire
était de hisser les couleurs. La radio s’offrait pour cela. Dès l’après-midi du
17 juin, j’exposai mes intentions à M. Winston Churchill. Naufragé de la
désolation sur les rivages de l’Angleterre, qu’aurais-je pu faire sans son
concours ? Il me le donna tout de suite et mit, pour commencer, la B.B.C. à ma
disposition. Nous convînmes que je l’utiliserais lorsque le gouvernement Pétain
aurait demandé l’armistice. Or, dans la soirée même, on apprit qu’il l’avait
fait. Le lendemain, à 18 heures, je lus au micro le texte que l’on connaît. A
mesure que s’envolaient les mots irrévocables, je sentais en moi-même se
terminer une vie, celle que j’avais menée dans le cadre d’une France solide et
d’une indivisible armée. A quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure, comme
un homme que le destin jetait hors de toutes les séries.
Charles de Gaulle, « Mémoires de guerre. L’Appel », in Mémoires, Librairie
Plon 1954, Editions Gallimard 2000, Bibliothèque de la Pléiade, 2008, pp. 68,
71-72, 73
10 juillet
16 juillet
La thèse doctorale d'Hannah
Arendt consacrée à St Augustin, publiée en 1929, reste un de ses textes les
moins connus et étudiés. Elle a été traduite en français à partir de l'original
allemand en 1991 chez Tierce, repris en Payot. Par contre, la traduction
anglaise en 1996 publiée aux presses de l'Université de Chicago a été établie à
partir de la tentative de réédition de sa propre thèse opérée par Arendt au
début des années 1960 à la demande de son éditeur américain. On sait qu'Arendt
n'a pas fait aboutir ce projet mais elle y a laissé de nombreuses notes,
archivées avec tous ses papiers à la Bibliothèque du Congrès de Washington,
D.C. C'est ce matériau qui a été exploité par Joanna V. Scott et Judith C.
Stark dans leur présentation du livre d'Arendt au public anglophone. Leur
propre thèse consistait à dire qu'un fil rouge augustinien ininterrompu
parcourt l'œuvre d'Arendt, depuis l'œuvre séminale consacrée à St Augustin en 1929, jusqu'à
sa mort en 1975 laissant le grand opus de la
Vie de l'Esprit inachevé. Rebondissant sur cette idée, le chercheur
américain Stephan Kampowski a publié en 2008 une thèse doctorale (présentée à
l'Institut Pontifical de Rome), dans laquelle il amplifie l'idée de ce fil
rouge augustinien. Pour tout qui est un peu familier d'Arendt, il parait
évident que l'inspiration de St Augustin constitue bien une des trames
profondes de ses réflexions sur la philosophie
de l'action et sur la condition humaine. L'intérêt de la thèse de
Kampowski est de combler une lacune dans l'interprétation arendtienne, entre
les sources théologiques, la philosophie de l'existence et la philosophie
politique. C'est aussi la raison pour laquelle cette thèse et la reprise de
l'opus d'Arendt sur le Concept d'amour
chez Augustin me paraît capitale pour qui veut entreprendre une recherche
sur les fondations de la liberté dans la pensée de cette grande philosophe
politique du XXe siècle.
---
Retour sur La Bibliothèque de la Pléiade avec ce volume épuisé (dans
cette édition) du "La Fontaine II" déniché auprès d'un bouquiniste de
la Galerie Bortier à Bruxelles, au terme d'une journée de vacances très
appréciée en déambulations dans ma ville. A noter ceci: il s'agit d'un
"Pléiade de guerre" car en effet, publié sous l'occupation en 1942 à
une époque de pénuries et donc, en lieu et place de la reliure en cuir nous
avons droit à une simple reliure en toile; de même, au lieu du papier Bible la
production des volumes de guerre se faisait avec un papier de moindre qualité.
Un "Pléiade" est témoin de son époque. Émotions. Et tout ceci me
rappelle des conversations avec l'excellent Editeur et ami Rémi Ferland à Québec que je salue
au passage.
28 août
Bonne pioche. Pour 5€ la première édition de Celine en Pléiade en 1962,
un an après sa mort, présentée par Henri Mondor. Il faut lire la correspondance
entre l'irascible Louis-Ferdinand et Gaston (Gallimard), ou avec Henri Mondor
pour apprécier les péripéties de cette édition. La deuxième édition en Pléiade
est due à l'éminent célinien Henri Godard, comprend 5 tomes (4 pour les romans,
un pour la correspondance) et s'étale de 1981 à 2009.
Extrait de l’avant-propos d’Henri
Mondor dans lequel il cite un passage de sa correspondance avec Céline (je
rappelle que Mondor était également médecin, tout comme L-F Destouches):
C’est au plus bas de son isolement, de son châtiment,
sans l’avoir encore rencontré, que je me sentis pris pour lui d’une compassion
attendrie où la confraternité dictait le pas. Quelques excès de langage qu’il
eut osés, comment accepter qu’il mourût, au fond d’une fosse, comme un rat
d’égout empesté? Un médecin se devait d’en secourir un autre. Je tendis, en
effet, une main au damné. “Le courage du coeur demande aussi des généraux”, en
a-t-il écrit. Et il ajoutait à la fois terrorisé et résolu à survivre : “Je
m’acharne ! ne serait-ce que pour aller vous voir un jour en personne ! enfin
présentable, ni pendu, ni empalé, ni décapité, ni fantôme !“ Que de fois il
crut entendre dans sa prison danoise le cri des sanctions à sa poursuite :
“Bien piètre saltimbanque, crasseux, menteur, iconoclaste qui va l’encontre !
Outre ! mille foutres nous le bouterons ! nous le bouterons !” Mais il a ses
moments d’humilité, de contrition : “Je dois vous paraître bien sensible,
vétilleux. C’est-à-dire que depuis tant d’années de grands et petits malheurs
humains et biologiques, on se sent devenir comme vieille fille… bibelotier…
tout minuscule des douleurs et des joies.”
Avant-propos, p. XII aux Romans
de Céline, Bibliothèque de la Pléiade, 1962
1er septembre
Ingress, Parc du Cinquantenaire.
4 septembre
Dans la série des jeux de plateau et de réflexion sur la stratégie
“Quatermaster General” mérite le détour. La particularité de ce jeu, dans
l’univers complexe des wargames réside dans sa facilité d’utilisation et
rapidité d’accès qui le met à la portée des débutants, ainsi que le niveau «
grande stratégie » : on couvre en effet tous les théâtres d’opérations de la
Seconde Guerre Mondiale en deux heures. La clé de la victoire et le concept autour
duquel « Quatermaster » est conçu est la logistique : attention à vos lignes
d’approvisionnement et aux nations-ressources !
Le jeu est uniquement basé sur la réflexion, il n’y a pas de dés. Le hasard intervient dans la répartition des cartes qui se trouvent à chaque instant dans la main du joueur. Celles-ci proposent, outre des constructions d’armées ou de flottes et des batailles, des événements, ripostes, statuts, ou cartes de guerre économique, qui contribuent aux subtilités des décisions à mettre en œuvre par chaque joueur et qui renvoient à des situations types historiques. Les possibilités d’uchronie existent mais pour avoir déjà fait quelques parties, je me rends compte que les fondamentaux « lourds » de la géopolitique s’imposent, et ceci de manière différente pour chaque nation belligérante, ce qui fait que nous « rejouons » des épisodes connus du conflit mondial (importance du contrôle de l’Ukraine, de l’Atlantique ou de la Méditerranée, guerre du Pacifique devant être menée en sauts de puce par les Etats-Unis).
Le jeu est uniquement basé sur la réflexion, il n’y a pas de dés. Le hasard intervient dans la répartition des cartes qui se trouvent à chaque instant dans la main du joueur. Celles-ci proposent, outre des constructions d’armées ou de flottes et des batailles, des événements, ripostes, statuts, ou cartes de guerre économique, qui contribuent aux subtilités des décisions à mettre en œuvre par chaque joueur et qui renvoient à des situations types historiques. Les possibilités d’uchronie existent mais pour avoir déjà fait quelques parties, je me rends compte que les fondamentaux « lourds » de la géopolitique s’imposent, et ceci de manière différente pour chaque nation belligérante, ce qui fait que nous « rejouons » des épisodes connus du conflit mondial (importance du contrôle de l’Ukraine, de l’Atlantique ou de la Méditerranée, guerre du Pacifique devant être menée en sauts de puce par les Etats-Unis).
Six nations s’affrontent donc en
deux camps : Allemagne, Italie et Japon d’un côté, contre Royaume-Uni, Union
Soviétique et Etats-Unis de l’autre. Le jeu se joue de 2 à 6 joueurs. Dans
l’exemple proposé ci-dessous, je me suis fait ratiboiser par le « petit ». Fin
de partie pour les Alliés dans cette simulation, victoire de l’Axe aux points.
A vous les studios.
---
Juger.
Arendt évite de rabattre le jugement sur la rationalité, dans un geste
typique de la modernité (cfr. Chaim Perelman, Hans Kelsen) ou sur l’exercice de
la volonté du juge (comment montrer alors que celle-ci n’est pas arbitraire?)
Arendt le décrit comme un “talent mystérieux de l’esprit par lequel le
général, qui est toujours une construction mentale, et le particulier, toujours
offert à l’expérience sensorielle, se trouvent réunis” (Vie de l’Esprit, p.
97).
8 septembre
where
volatile & virtual reality become instant, collective action called 'art'
-- maybe
9 septembre
Votre smartphone aujourd'hui ? Un signifiant pour d'autres signifiants. Le
sujet (divisé) : réseau d'icônes pour d'autres constellations satellitaires
d'icônes (points brillants dans la nuit).
11 septembre
Le dernier opus de la série des Jason Bourne avec Matt Damon, réal. Paul
Greengrass vu hier, ne brille pas particulièrement par son originalité. Cela
reste un film d'action moyen, bien rythmé, très prévisible, dans lequel Jason
est toujours à la recherche d'éléments de son identité - et comme dans les
films précédents, se trouve un peu malgré lui embarqué dans une quête où il
s'agit de révéler les pratiques douteuses de la CIA. En l'occurrence, le
scénario très inspiré par la logique sécuritaire post 9/11, vient à point nommé
comme élément de rappel des événements qui secouèrent New York et le monde, il
y a exactement quinze ans aujourd'hui - ou plutôt de ses conséquences, avec la
mise en place d'une société de la surveillance globale. Le rôle des réseaux sociaux
complices dans l'avènement de ce projet est mis en évidence dans le film, il
s'agit même du cœur de l'intrigue, mais tombe curieusement à plat, en tout cas
n'étonnera plus personne depuis que dans le monde réel nous sommes habitués à
vivre avec des mouchards qui tracent nos mouvements et sont à l'écoute de nos
conversations. Les scènes d'opérations conjointes menées par des équipes
d'agent au coeur de centres urbains (Athènes, Berlin, Londres) et le centre de
contrôle de la CIA à Langley, me semblent assez crédibles (utilisation en temps
réel des caméras de surveillance, de la reconnaissance faciale, orientation des
satellites d'observation et de communication); à vrai dire je doute que
l'intégration des technologies en soit arrivée à ce point de sophistication et
de maîtrise, mais le réalisme (relatif) est une des caractéristiques de la
série Jason Bourne, comparée à d'autres séries de films d'action (je pense aux
James Bond). Je précise bien “relatif”, car dans ces morceaux attendus du genre
que sont les poursuites en voiture par exemple, on assisterait plutôt à une
surenchère dans l’invraisemblable. Par contre, la mode actuelle qui consiste à
filmer de plus en plus souvent les scènes d’action caméra à l’épaule, avec des
images floues et un montage syncopé pour rendre l'expérience plus réaliste, est
quelque chose dont les réalisateurs pourraient se passer, ou l’utiliser avec
modération, j’en ai eu une overdose et l’effet de fatigue est garanti pour le
spectateur. Matt Damon est égal à lui-même, avec un jeu sobre, concentré,
constamment à la limite du point de rupture. Le rôle féminin principal est tenu
par l’intéressante Alicia Vikander qui joue le rôle de l’éminence grise en cyber
sécurité à la CIA, avec un personnage qui me faisait penser, mais en moins
tragique, à celui incarné par Jessica Chastain dans Zero Dark Thirty (2012),
film consacré à la traque de Ben Laden et les opérations noires de la CIA qui
reste pour moi une excellente (et sombre) référence dans ce domaine des films
hollywoodiens qui essayent de liquider le traumatisme du 11 septembre 2001.
Quoi qu’il en soit, Jason Bourne est devenu dans le contexte de la guerre
contre le terrorisme, un anti-héros dans lequel une partie de la conscience
américaine se retrouve puisqu’il est frappé d’amnésie et que son problème n’est
pas de redevenir un patriote mais de se reconstituer comme personne humaine. Je
rappelle que le personnage, et la série des romans éponymes, a été créé au
début des années 1980 par le romancier Robert Ludlum et que le premier film de
la série, The Bourne Identity, date de 2002. Je rappelle également que dans le
monde francophone, la série de bande dessinée XIII de Jean Van Hamme (au
scénario) et William Vance (au dessin) est fortement inspirée par Jason Bourne
(le premier album de la série, “Le jour du soleil noir” date de 1984) et que le
thème de l’amnésique vengeur fait maintenant partie de la culture populaire. Je
me demande néanmoins comment le personnage de Jason Bourne va évoluer, la quête
de la mémoire est en permanence inachevée, mais contrairement à la série des
James Bond où les acteurs se succèdent et renouvellent le personnage, toujours
neuf, éternellement pareil à lui-même, Matt Damon colle à la peau de Jason et
le temps joue son œuvre contre lui, sauf à imaginer dans un futur encore proche
que la série se termine par la mort du héros âgé après un ultime baroud
d’honneur.
---
A la base du "contrat social" arendtien tel qu'il se devine à
la lecture du texte "De la désobéissance civile" (in 'Du mensonge à
la violence'), il y a une promesse, celle que les accords seront tenus, et une
garantie, que tous les acteurs politiques jouent le jeu du droit. Sa conception
dérive du modèle de John Locke, d'un contrat social horizontal plutôt que
vertical par soumission à l'autorité et au monopole de la violence (Thomas
Hobbes). En outre, cette maxime que les promesses seront tenues: "Pacta
sunt servanda" a été inventée dans le droit romain et actualisée au XVIIIè
lors de la constitution d'une nouvelle république par les révolutionnaires
américains. Vivre en société dans le consentement des lois est pour Arendt ce
geste d'habiter "un monde dont la réalité est garantie à chacun par la
présence de tous" (Condition de l'homme moderne).
18 septembre
Ingress, Laeken
27 novembre
Jusqu'à présent je ne détecte pas encore l'Appel du Côté Obscur. Petite citation : "Mankind no longer knows what to
do with itself - and consequently conjectures 'everything' in the end"
(II, 6). En attendant une traduction française
des "Carnets Noirs"... Fédier & Co? Sa traduction des
"Beiträge" justement est illisible.
Les “Ponderings VII–XI: Black
Notebooks 1938–1939” sont annoncés en traduction anglaise (par R. Rojcewitz) aux
Indiana University Press, pour Mars 2017. On sait qu’il y aura en tout neuf
volumes des “Schwarze Hefte” dans la Gesamtausgabe (GA). Pour le moment quatre
volumes ont été publiés chez Klostermann (GA94 - 97) couvrant donc la période
1931 - 1948. Le carnet I a été perdu.
Le plan général d'édition de la
Gesamtausgabe (GA) tel qu'établi par MH avant sa mort et suivi scrupuleusement
par ses exécuteurs testamentaires, dont son fils Hermann, est disponible sur le
site de l'éditeur Vitorio Klostermann. Il comprend 102 volumes (!) On peut voir
ceux qui sont déjà publiés. La série des Schwarze Hefte comprend les neufs
derniers volumes de la quatrième série et constitue la fin de toute l'œuvre, de
GA94 à GA102. MH a donc souhaité que les notes et aphorismes de son Journal
(car c'est bien de cela dont il s'agit) viennent clôturer ses œuvres complètes.
Mais s'agit-il d'un "Journal" au sens d'un brouillon? J'ai lu quelque
part que les notes des Carnets étaient recopiées d'une écriture nette
(recopiées = d'un autre original?). Il y a de quoi se perdre. Et tant que les
archives ne seront pas ouvertes... Voici donc le lien chez l'éditeur pour
"l'œuvre officielle" du Mage de la Forêt-Noire:
http://www.klostermann.de/epages/63574303.sf/de_DE/
http://www.klostermann.de/epages/63574303.sf/de_DE/
29 novembre
Depuis quelques années pour la période des fêtes, Yves Senté à la plume
et André Juillard au crayon, produisent un nouvel album des aventures de Blake
et Mortimer, toujours “so British”. Or, cette année 2016 est un grand cru très
spécial. Il s’agit du 70ème anniversaire de la création de la série dans le
“Journal de Tintin”, par Edgar P. Jacobs avec l’inoubliable “Le secret de
l’Espadon”, en 1946. Il fallait donc marquer un grand coup. 2016 est aussi le
quatre centième anniversaire de la mort du Barde, le grand William S., mort en
1616. Le dernier album très justement intitulé “Le Testament de William S.”,
rend ainsi doublement hommage au Arts de la Scène, par une magistrale mise en
abîme de la vie et de l’œuvre de William S., ainsi qu’aux “opéras de papier” du
très regretté Edgar P. Jacobs. Loin des machines infernales, des savants fous
et des maîtres du monde, de la science-fiction la plus inquiétante et des
pièges les plus diaboliques tendus à nos héros, les indestructibles Professeur
Phillip Mortimer et Capitaine Francis Blake (du MI5), Yves Senté et André
Juillard déploient une imagination littéraire, un jeu de piste virevoltant qui
va de Londres à Londres, en passant par Venise, Vérone et Ravenne, entre le
présent (très précisément daté des derniers jours d’août 1958) et le passé.
C’est une comédie d’esprit et une comédie romantique à rebondissements légers,
on dirait vraiment qu’il y a “beaucoup de bruit pour rien” autour d’un
testament. Le Professeur Mortimer est accompagné pendant une bonne partie de
l’aventure de la ravissante Elisabeth. Regardez bien (à la loupe) la dernière
case de l’album. Sacré Philip Mortimer! Nous, lecteurs, sommes maintenant complices
d’un secret qui vous concerne. La vie des héros est pleine de surprises. Mais
que ne donnerait-on pas pour connaître un inédit de William S. n’est-ce pas?
17 décembre
Dust Bowl, South Dakota 1936
23 décembre
Très beau film de Yoram Ron : Absent God sur le
philosophe Emmanuel Levinas. "Le visage de l'autre est un commandement à
ne pas tuer". J'ai eu le plaisir d'assister récemment à une projection
privée en présence du réalisateur et de quelques amis. La philosophie de
Levinas imprégnée par l'éthique et le judaïsme est une de celles qui permettent
de réconcilier le monothéisme et la pensée des Lumières (selon le mot de
l'organisateur de la rencontre). Il y a une grande beauté à concevoir l'éthique
à partir de cette expérience fondamentale de la rencontre entre les hommes,
celle du visage de l'autre. Message à méditer en particulier pour cette période
de la Nativité et des fêtes de fin d'année, que je vous souhaite d'ores et déjà
chaleureuse en compagnie des visages que vous aimez.
---
Ne faudrait-il pas lire Hannah Arendt comme une philosophe allemande du
judaïsme, plutôt que comme philosophe juive de l'idéalisme allemand ? Ou la
lire de l'une et de l'autre manière ?
Voilà plusieurs jours que je me débat avec la question des multiples significations non-exclusives - au sens de ´lectures' - d'un texte qui peut appartenir à plusieurs 'corpus', idée qui rejoint celle des contenus latents et des contenus manifestes d'un discours, mais seulement par la tangente. Quand je lis l'extrait ci-dessous tiré des "Grands courants de la mystique juive" de Gershom Scholem, j'ai l'impression qu'il parle d'Arendt .. alors qu'en fait il évoque Rabbi Siméon ben Yohai, l'auteur du Zohar. S'agit-il d'une projection de ma part ? Quelle est la part d'écoute et de "contre-transfert" qui se passe dans cette étrange "analyse" qui relie un mort et un vivant au cours de la lecture ?
En cela, toutefois, il est à l'unisson avec une tendance profondément enracinée dans la pensée juive. Plus une idée ou une doctrine est naturellement et caractéristiquement juive, plus elle manque délibérémment de systématisation. Elle n'est pas construite comme un système logique. Même la Michna qui se rapproche de très près d'une suite ordonnée de pensées reflète ce manque de systématisation.
Gershom Scholem, Les grands courants de la mystique juive, Payot, p. 236
Voilà plusieurs jours que je me débat avec la question des multiples significations non-exclusives - au sens de ´lectures' - d'un texte qui peut appartenir à plusieurs 'corpus', idée qui rejoint celle des contenus latents et des contenus manifestes d'un discours, mais seulement par la tangente. Quand je lis l'extrait ci-dessous tiré des "Grands courants de la mystique juive" de Gershom Scholem, j'ai l'impression qu'il parle d'Arendt .. alors qu'en fait il évoque Rabbi Siméon ben Yohai, l'auteur du Zohar. S'agit-il d'une projection de ma part ? Quelle est la part d'écoute et de "contre-transfert" qui se passe dans cette étrange "analyse" qui relie un mort et un vivant au cours de la lecture ?
En cela, toutefois, il est à l'unisson avec une tendance profondément enracinée dans la pensée juive. Plus une idée ou une doctrine est naturellement et caractéristiquement juive, plus elle manque délibérémment de systématisation. Elle n'est pas construite comme un système logique. Même la Michna qui se rapproche de très près d'une suite ordonnée de pensées reflète ce manque de systématisation.
Gershom Scholem, Les grands courants de la mystique juive, Payot, p. 236
26 décembre
Ne pas bouger
Ou alors le moins possible car bouger fait mal
Deux stations de confort relatif : debout ou couché
Sur le côté de préférence
Assis : c'est l'inconfort immédiat
Mais debout sans marcher est malaisé
Et ne suis autorisé qu'à faire quelques pas
Se lever, prendre appui, utiliser la moindre prise
Allonger une jambe et toucher le sol
De la main tenir au mur
Quel geste avant l’autre ? Quelle horlogerie?
Alarme : la douleur qui bloque la respiration
Arrêter son mouvement mais ne pas s'arrêter tout à fait
Car agir c'est couper les fils du détonateur de la douleur
Avant qu'elle n'explose et envoie le corps dans toutes les directions
Avant que le corps ne s'agrippe au drap en train de glisser
Ne hurle
Éviter cela qui conduit au 112
Habiter son corps pour qu'il ne nous possède pas
Dans le cri
Une étincelle dans quelques neurones jaillit
De la compression radiculaire d'un nerf pincé entre deux vertèbres lombaires
Le dos, partie sacrée du corps
Que ne t'ai-je donc offert assez de bonté
Pour que d'une étincelle jaillisse une étoile de douleur
Habiter son corps, être chez soi dans la maison du corps.
Ou alors le moins possible car bouger fait mal
Deux stations de confort relatif : debout ou couché
Sur le côté de préférence
Assis : c'est l'inconfort immédiat
Mais debout sans marcher est malaisé
Et ne suis autorisé qu'à faire quelques pas
Se lever, prendre appui, utiliser la moindre prise
Allonger une jambe et toucher le sol
De la main tenir au mur
Quel geste avant l’autre ? Quelle horlogerie?
Alarme : la douleur qui bloque la respiration
Arrêter son mouvement mais ne pas s'arrêter tout à fait
Car agir c'est couper les fils du détonateur de la douleur
Avant qu'elle n'explose et envoie le corps dans toutes les directions
Avant que le corps ne s'agrippe au drap en train de glisser
Ne hurle
Éviter cela qui conduit au 112
Habiter son corps pour qu'il ne nous possède pas
Dans le cri
Une étincelle dans quelques neurones jaillit
De la compression radiculaire d'un nerf pincé entre deux vertèbres lombaires
Le dos, partie sacrée du corps
Que ne t'ai-je donc offert assez de bonté
Pour que d'une étincelle jaillisse une étoile de douleur
Habiter son corps, être chez soi dans la maison du corps.
30 décembre
Good Bye 2016
Mes meilleurs voeux pour 2017