Naissance du Siver Surfer, la plus belle création de Galactus, maître de l'univers |
Journal de la Rêvolution
« Le pouvoir absolu est l'anarchie politique et la
barbarie »
Alfred de Vigny, 1824
Alfred de Vigny, 1824
“The
subterranean stream of Western history has finally come to the surface and
usurped the dignity of our tradition. This is the reality in which we live.”
Hannah Arendt, 1950
Hannah Arendt, 1950
« Etre armé
C’est être libre »
A.E.
van Vogt, 1951
*
La pluralité. A propos d'une supposée « nature humaine »
Arendt dit que l'Homme au singulier n'existe pas ; il y a des êtres humains en
condition plurielle. La politique est pour elle l'espace privilégié dans lequel
des êtres humains apparaissent les uns pour les autres. Essentialiser une
catégorie d'humains est politiquement dangereux.
Ne confondons pas Arendt qui a pu se tromper dans la connaissance ou
l'interprétation de certains événements, avec les responsables du désastre :
les nationaux-socialistes et leurs complices. Ce qu'elle a écrit sur les
totalitarismes, sur l'action politique etc., mérite toujours un examen attentif,
critique et l'actualité valide ses intuitions (Origines du totalitarisme date de 1951). La connaissance historique
a beaucoup évolué, ses analyses n'en sont pas pour autant invalidées car Arendt
n'a jamais prétendu avoir écrit un livre d'histoire, au sens positiviste du
terme.
Arendt a écrit à Jaspers que le voyage à Jérusalem était pour elle une
véritable catharsis. Son reportage sur le procès devrait être lu aussi dans
cette perspective plus biographique qu'objective. Ne confondons pas les
véritables criminels et les témoins des événements. Toujours se demander :
"et moi, qu'aurais-je fait ? Qu'aurais-je dit à ce moment-là, dans cet
endroit-là et avec les informations dont je pouvais disposer ?" Je demande
juste que notre regard et notre jugement ne tombe pas lui-même dans la violence.
Un peu d'empathie en somme. Dans un autre registre j’invite à lire René Girard
et ses analyses de la violence mimétique.
Sur le rapport d'Arendt au judaïsme, le livre qui est beaucoup plus
éclairant qu'EJ est celui qu'elle a consacré à Rahel Varnhagen : la vie d'une juive allemande a l'époque du romantisme.
Ce livre est beaucoup moins connu, a été pour l'essentiel rédige au début des
années '30, emporté dans les bagages de l'exil et publié fort tard en 1958,
immédiatement après The Human Condition.
EJ n'est pas le livre qu'il faut considérer pour
analyser les rapports d'Arendt au judaïsme, loin de là ! Outre celui sur Rahel
Varnhagen il y a le recueil d'articles écrits principalement pendant la guerre
pour la revue Aufbau des émigrés
juifs allemands, réunis par Jerome Kohn sous le titre Écrits juifs. On y trouvera par exemple ses articles prônant la
création d'une armée juive en Europe.
Le texte d'Arendt qui fait principalement débat, en tout cas le plus
souvent cité, sur la "question noire" est "Réflexions sur Little
Rock" (1959), repris dans le recueil "Responsabilité et
jugement". Le livre "Arendt and the Negro question" de Kathryn
T. Gines est un des premiers à faire le point sur l'ensemble des textes
problématiques concernant le "racisme" d'Arendt. Comme souvent dans ces débats qui tournent à la polémique j'invite les
lecteurs intéressés à d'abord lire ou relire les textes incriminés et de se
faire un jugement par eux-mêmes. Trop souvent nous avons tendance à reproduire
un avis sur base d'une littérature secondaire dont l'intentionnalité critique
ou le contexte académique ne sont jamais neutres et nous tombons dans la
facilité qui consiste à croire que nous avons compris un auteur à travers les
résumés qui en sont fait. Il faut lire les textes à la source. C'est le
reproche principal que j'adresse à ceux qui se contentent de répéter un avis
qui leur parait autorisé ou simplement qui résonne avec l'air du temps, la mode
intellectuelle, que sais-je ?
Et ce n'est parce qu'Arendt admirait la cité grecque, en particulier l'Athènes
du Ve siècle, qu'elle défendait l'esclavage dans sa théorie de la Condition
humaine. Un autre exemple d'abus.
La théorie du déterminisme intellectuel est une simplification : la
pensée d'Arendt comme celle de n'importe quel intellectuel se forme au contact
d'autrui et s'élabore ensuite selon une chimie que ni vous ni mois sommes
capables de décrire. Il y a eu Heidegger. Il y a eu Jaspers. Il y a eu
Benjamin. Il y a Anders. Il y a eu Blumenfeld. Il y a eu Blücher (son deuxième
mari) etc. Il y a eu, elle, Arendt et sa pensée en
propre et son dialogue avec des penseurs morts. Les influences intellectuelles
comptées au nombre de citations dans son œuvre sont bien plus importantes pour
Platon, Aristote, St-Augustin, Machiavel, Montesquieu, Kant, Marx... que pour
Heidegger. Ce genre d'arguments ne prouve rien, juste ses propres partis-pris. A ma connaissance, Arendt n'a jamais évoqué
Lévi-Strauss. L'absence d'écriture
n'équivaut pas à absence d'histoire. Il y a des traditions orales, des
transmissions de savoirs, de techniques. Qui oserait le nier ? Arendt écrit
avec la vision du monde de son époque. L'interprétation constamment
rétrospective du passé reviendrait poussée au bout à brûler la plupart des
livres au nom de l'actualité du
savoir. La philosophie n'est pas une science exacte ni aucune des sciences
humaines. Le paradigme d'une recherche qui possède par ruptures des
connaissances antérieures est celui des sciences de la nature. Mais en effet,
nous pouvons détruire la tradition qui n'est plus d'aucune utilité.
Chacun a des moments d'errance, commet des erreurs de jugement. Chacun
d'entre nous se forme aussi un jugement et nous n'avons pas à en juger les uns
pour les autres mais si possible, nous appuyant sur des sources dignes de foi
(documents, faits avérés) d'en débattre dans un esprit de libre-examen. En ce
qui me concerne, je pense et dit que l'œuvre d'Arendt contient suffisamment d'éléments pertinents pour qu'une lecture critique soit
toujours intéressante, surtout par les temps qui courent où les notions de
"faits alternatifs", et autres mensonges dignes de la propagande totalitaire,
méritent notre attention de citoyens épris de liberté de pensée. Je me méfie
autant des diseurs de vérité que des démolisseurs qui prennent juste plaisir à
détruire la réputation d'autrui. Arendt n'échappe pas aux tensions politiques
de notre temps. Il nous reste ses livres.
Arendt a un rapport assez particulier avec la SF (et la science) dont
elle reconnaît le pouvoir d'exciter l'imagination. La « Préface » de Condition de l’homme moderne est un
grand moment lyrique. Un autre passage aussi dans La vie de l'esprit où elle évoque le "cerveau planétaire"
des ordinateurs :
Du point de vue de la vérité scientifique, les
spéculations des idéalistes étaient pseudo-scientifiques ; de nos jours, à
l’autre extrémité du spectre, on dirait qu’il se passe quelque chose de
semblable. Les matérialistes jouent le jeu de la spéculation à coups
d’ordinateurs, de cybernétique et d’automatisation ; de leurs extrapolations
sortent non pas des fantômes, comme dans le jeu des idéalistes, mais des matérialisations semblables à celles des
séances de spiritisme. Ce que ces jeux matérialistes ont de vraiment
remarquable, c’est que leurs résultats rappellent les concepts des idéalistes.
C’est ainsi que l’Esprit du Monde de Hegel s’est récemment matérialisé dans la
construction d’un “système nerveux”, organisé sur le modèle d’un Ordinateur
géant. Lewis Thomas (in The Lives of a Cell, New York, 1974) entend concevoir
la communauté mondiale des êtres humains comme un Cerveau géant où l’échange des
pensées est si rapide “que les cerveaux de l’espèce humaine semblent souvent
subir une fusion fonctionnelle”. Avec l’humanité en guise de “système nerveux”,
la terre entière “devient… un organisme vivant fait de parties finement
imbriquées qui se développent toutes “à l’abri de la membrane protectrice” de
l’atmosphère entourant la planète”. (Voir Newsweek du 24 juin 1974, p.
89)"
- Hannah Arendt, La vie de l’esprit, PUF coll. Quadrige, 1981, p. 519-520
(écrit par Arendt en 1975).
Elle avait vu très juste et anticipé le transhumanisme, avec d'autres
mots, c'est très clair. Relire la Préface de CHM et l'analyse de l'animal laborans etc. Cette capacité à
la SF de façonner le futur est à l'œuvre d'une façon caricaturale depuis le
début des années 80 et le mouvement cyberpunk. Je vous invite à (re)lire
Neuromancien de William Gibson.
Sagesse et limites de l'état de droit et du système des checks and balances... mais cet idéal
politique qui tend vers la moyenne et la neutralisation de l'esthétique en politique
au profit de la gestion des affaires courantes - qui tend aussi vers le
nihilisme, comme théorie de le relativité générale des valeurs, cette
démocratie dont nous louons les vertus de modération, n'est plus le modèle proposé par l'idéologie néo-libérale qui valorise le
succès, la démesure et l'indécence sur fond de mensonge et de faillite morale.
L'état autoritaire devient alors paradoxalement l'idéal refuge contre le
totalitarisme de la marchandise et des flux déterritorialisés. Le succès des
maîtres de la Russie ou de la Turquie (et d’autres actuels ou à venir) est
facile à comprendre : ils s’opposent à la globalisation et à la subversion
des valeurs morales en ayant recours aux mythes du nationalisme et de la
religion, deux « systèmes » de pensée qui fonctionnent comme
« pompes de transcendance ». Tant que le libéralisme n'arrivera pas à
se réconcilier avec l'idée de la Nation et du peuple souverain, les germes du
fascisme seront toujours bien vivaces.
*
“Totalitarianism” was not a ready concept in the minds of
American political scientists and historians during the first three decades of
totalitarianism’s history in Europe. We were prone whenever some nondemocratic
state arose with a clearly identifiable leader to give it the label of
“dictatorship” or “tyranny” or “despotism,” thus tending to interpret it as a
recidivism, a lamentable throwback to the Louis
XIVs and Cromwells of Western history. That in fact the new total states in the
twentieth century were as modern as anything else in the century didn’t often
occur to us in the 1930s when we considered
the matter.
Robert A. Nisbet, American sociologist (1913-1996)
*
Arendt et Maurras
Mise au point bibliographique
I. Origines
du totalitarisme (éd. Pierre Bouretz), Gallimard coll. Quarto, 2002, on
trouve dans “L’index des personnes” p. 1541
4 références à Maurras, dans le texte
du chapitre “L’affaire Dreyfus” pp. 333, 343, 354; 356
1 référence à Maurras, en note de bas
de page dans le chapitre “L’affaire Dreyfus” p. 362. (Citation de L’Action française du 14 juillet 1935)
1 référence à Maurras dans le chapitre “L’impérialisme continental” p. 507
La bibliographie sur
l’Antisémitisme (rédigée par Arendt, p. 1432), fait mention des livres suivants
de Charles Maurras :
Au signe de Flore. Souvenirs de la vie
politique. L’affaire Dreyfus. La fondation de l’Action française, 1898-1900, Les Œuvres représentatives, 1931
Œuvres capitales, 1954 (rééd. Flammarion, 1973)
II. Le catalogue en ligne de la Stevenson Library du Bard College, qui
contient la bibliothèque personnelle léguée par Arendt (3519 entrées) ne
contient qu’un seul livre de Maurras : Le
conseil de Dante, Versailles, Bibliothèque des grands auteurs, 1928 (124
p.). Le catalogue ne mentionne pas la présence d’annotations ou autres
marginalia dans ce livre.
On peut supposer que lorsqu’Arendt
rédigeait les chapitres sur l’Antisémitisme (en partie à Paris, ensuite à NY),
les livres mentionnés dans sa bibliographie des OT furent consultés en
bibliothèque publique.
Il faudrait maintenant reprendre
in-extenso les paragraphes mentionnés ci-dessus dans OT pour analyser les
références à Maurras. Je viens
de les lire rapidement et n’ai trouvé rien qui appuie l’hypothèse d’une reprise
d’idées maurassiennes chez Arendt.
*
The alternative to
countries are or will be more and more the big corporations. They are
neo-medieval entities pursuing their own interests, small enough to create a
sense of community or identity, large enough to compete, fiercely, on markets,
cities. Read William Gibson' 1980 novel: Neuromancer.
Un pour cent d'une future élite trans
ou post humaine ; 99% du reste
d'humains déclassés, superflus, à mettre au rebus. Homo sapiens a éliminé
toutes les autres branches du genre humain au cours de sa longue histoire.
Lorsque certains de nos descendants hybrides, transformés, n'auront plus la
conviction d'appartenir à l’espèce humaine, le même phénomène se répétera. Qui
profitera de ces technologies ? Ceux qui pourront
se payer la Médecine de classe qui se met déjà en place. Si vous comptez sur la
bonté et l’empathie du fameux %1 qui existe déjà pour imaginer que leurs
descendants améliorés auront une humanité de cœur améliorée et se soucieront de
leurs pauvres "frères humains”, vous vous racontez des histoires, vous
êtes déjà en train d'avaliser votre future disparition. Le rêve transhumaniste
est l'autre nom du cauchemar néolibéral.
Les robots seront
plus humains que nous. Demain, les robots (et les chiens)
A la fin, les
robots pleureront l'homme disparu.
Être radical et conservateur aujourd'hui est peut-être le grand écart à
réconcilier. Problème : le fil de la tradition a été rompu au vingtième siècle
(deux guerres mondiales, cycle de révolutions et contre-révolutions, génocides,
fuite en avant de la techno science et du libéralisme). Chacun tente de
recoller les morceaux comme il peut, c'est-à-dire, peut-être, d'inventer une nouvelle
tradition, de réconcilier toutes les contradictions de l'époque. Mais sans
reconquête de l'espace public et du "commun", tous, "réacs",
"libertaires", adeptes de la léthargie ou des goulags mous,
opportunistes ou vertueux, tous nous serons, sommes déjà, condamnés à l'inanité
et l'extrême solitude de nos rêves.
*
Trouvé chez Pêle-Mêle le livre de Konrad Lorenz qui faisait partie de ma
bibliothèque d’étudiant : Trois essais
sur le comportement animal et humain (Seuil, 1970). Il contient les
articles suivants :
« Sur la formation du concept
d’instinct » (1937)
« Le tout et la partie dans la
société animale et humaine » (1950)
« Psychologie et phylogenèse »
(1954)
J’ai rapidement parcouru le premier article
écrit juste avant l’engagement national-socialiste de l’auteur (1938). Il s’agit d’un article qui propose une
réfutation de trois théories de l’instinct dominantes à l’époque de Lorenz :
celle de Spencer et Lloyd Morgan, celle de Mc Dougall et la théorie réflexe de
l’acte instinctif. Chaque théorie est réfutée par des arguments provenant de
l’expérimentation ou de l’observation du comportement animal. D’emblée, Lorenz
distingue sa théorie de l’inné (des instincts) de celle des pulsions (Triebe ou
drive) utilisée par les béhavioristes américains ou les psychanalystes, raison
pour laquelle il préfère conserver le mot « instinct » issu du latin.
La conclusion de Lorenz, par l’absurde, est de montrer qu’il existe des
comportements innés qui n’ont pas de finalité, ne remplissent pas une fonction adaptative,
il parle “d’acte instinctif ne remplissant pas sa fonction biologique”, de
“réaction à vide” ; l’autre idée importante est celle de l’évolution de l’acte
instinctif dans le système zoologique, “semblable à celle d’un organe”. Nulle
trace, du moins à première vue, d’une “idéologie raciale” ou d’eugénisme, dans cette
revue de la littérature scientifique.
*
Météo politique. Année de commémoration du
centenaire de la révolution russe. Des problèmes techniques dans le métro
bruxellois.
*
Panique du kernel. Mac sous Linux Ubuntu.
*
Generation Zero coming to a theatre near you.
Who is
Stephen K. Bannon, the brain behind DJT?
Il est l'homme des révolutions politiques. Le choc, le saut dans
l'inconnu, la volonté de puissance. La référence à Lénine est pertinente. Ça
tombe bien pour un centenaire. Alors oui, ce qui nous dérange, ce qui nous
bouscule, c'est de sentir souffler le vent de l'histoire. Fini les ronrons !
Les compromis ! L'équilibre. Finie la croyance ridicule en une « fin de
l'histoire » post-1991. Si les Européens veulent être à la hauteur de ces
événements et de ce qu'ils portent ils devraient redécouvrir le sens des
réalités et du tragique de l'histoire. Où est le De Gaulle européen ?
Attendons-nous « l’homme providentiel » ?
La réponse est non. De Gaulle est
invoqué comme figure historique, l'homme du refus. Je connais le risque de « l'homme
providentiel ». Les réponses seront collectives ou seront inefficaces. De Gaulle pourrait être compris comme un
mythe pour (re)cimenter une UE qui en a bien besoin.
Make America Great Again. With: Thomas Paige,
Thomas Jefferson, Abraham Lincoln, Franklin Delano Roosevelt…
Edmund Burke (1729-1797), political
theorist, philosopher, author of "Reflections on the Revolution in
France" (1790), considered as one of the inspiring men underlying the
political philosophy of Stephen K. Bannon. If you want to know your enemy, you
should get closer to him.“Respecting your forefathers, you would have been taught to respect yourselves.”
– Edmund Burke
*
6 février -
"Une soirée d'émeutes à Paris" (Figaro)
"Une soirée d'émeutes à Paris" (Le Petit Journal)
"Une journée de guerre civile" (Le Matin)
"Paris ouvrier a riposté !" (L'Humanité)
"Le coup de force fasciste à échoué" (Le Populaire)
"Après les voleurs, les assassins" (L'Action Française)
“Après une nuit de sanglantes émeutes dans Paris où l’on compta de nombreux morts et blessés le ministre Daladier décide de démissionner” (L’Ouest-Eclair)
"Une soirée d'émeutes à Paris" (Figaro)
"Une soirée d'émeutes à Paris" (Le Petit Journal)
"Une journée de guerre civile" (Le Matin)
"Paris ouvrier a riposté !" (L'Humanité)
"Le coup de force fasciste à échoué" (Le Populaire)
"Après les voleurs, les assassins" (L'Action Française)
“Après une nuit de sanglantes émeutes dans Paris où l’on compta de nombreux morts et blessés le ministre Daladier décide de démissionner” (L’Ouest-Eclair)
*
Premier Moment Révolutionnaire en Russie. Emeutes de Petrograd. Le Tsar
Nicolas II va abdiquer. L'histoire du XXème siècle en marche. La journée de manifestation pour le pain, principalement menée
par des femmes, le 23 février 1917, point de départ de la révolution de Février,
aboutit à l'abdication du Tsar. S'ouvre alors une période considérée par la
plupart des historiens comme authentiquement libérale et démocratique, celle du
gouvernement Kerenski (les mencheviks ou sociaux-démocrates), période qui va se
clôturer comme on le sait par le 2è moment révolutionnaire d'Octobre et la
prise du pouvoir par Lénine et les bolcheviks. Ce sera le début de la guerre
civile, de guerres nationales à l'intérieur de l'Empire russe. Massacre des
Romanov perpétré par les bolcheviks à Ekaterinbourg le 17 juillet 1918.
*
Quelle est l'efficacité du système AMS
israélien ?
L'escalade nucléaire est en dernier
recours. On peut supposer des "représailles" conventionnelles mais
non nucléaires de la part de l'Iran, dans un premier temps
La crainte d'une réaction limitera
peut-être l'escalade ou préviendra toute première frappe (logique de la
dissuasion). Mais- le risque existentiel pour Israël est très élevé à causes
des contraintes connues de sa géographie. Sa garantie stratégique ultime réside
dans sa force de frappe embarquée sur sous-marins.
*
La poésie, c'est Lacan qui couine et Léon le cochon qui
structure son inconscient comme un langage.
- Gaétan Sortet, 49 définitions de la poésie, Ed. La Marge, atelier d'édition participatif, Angers
- Gaétan Sortet, 49 définitions de la poésie, Ed. La Marge, atelier d'édition participatif, Angers
*
Je ne m'étonne plus des dérives politiques actuelles, ici et
"là-bas" (aux USA). Quelques intellectuels ont donné l'exemple depuis
longtemps à substituer le déni ou la violence au libre-examen des sources et
des commentaires. Si les mots étaient des couteaux, la philosophie
ressemblerait à une boucherie. Les débats d'idées sont devenus le théâtre d'une
sorte de guerre civile.
L'élu est-il serviteur de quoi que ce soit ? Il est le sujet du
souverain abstrait au nom duquel il parle, agit, dans un rapport agonistique
vis-à-vis d'autres sujets au sein d'un théâtre : l'espace public. L'Etat est le
nom actuel donné à l'organisation sociale qui gouverne l'espace public. C'est
lui qui est au service du souverain. Dans tous les cas, le concept difficile à
saisir : qui est ou qu'est le Souverain. Méditer Les Deux Corps du Roi de Kantorowicz.
Grund-Begriffe / μελὲτα τὸ πᾶν
Le « débat des idées » est une forme de lutte politique ; toute lutte
politique enclose dans la Cité converge – inéluctablement – vers la στασίασή,
la guerre civile ; εμφύλιος πόλεμος.
Les querelles d’école sont des formes
larvaires de la guerre civile. Les protagonistes y affûtent leurs mots qui un
jour deviendront des couteaux. La philosophie dans l’espace clôt du débat
démocratique est l’outil inventé pour faire « rendre gorge » à nos adversaires.
La philosophie n’est pas fille de la sagesse (ou plutôt : de l'étonnement),
mais des Furies.
Faut-il censurer le travail critique pour garder la paix civile ?
Cela ne changerait rien à la fièvre
qui saisit le démos de temps à autre.
J'y vois plutôt la réintroduction d'un certain sens du tragique dans le travail
de la philosophie - pour le dire autrement, l'optimisme naïf des Lumières,
l'utilitarisme et les apories du libéralisme constituent des moments à dépasser
-à nouveau ! pour éviter cette chute qui n'en finit pas dans la bêtise. Mais
vers quoi ? Je n'en sais rien. Je suis conscient aussi de ce qu'une telle
proposition puisse résonner comme un appel suspect d'un retour à l'origine.
Ceux qui disent des choses intéressantes aujourd'hui - pour moi, sont par
exemple des penseurs comme Agamben ou Badiou, entre réalisme et pessimisme
modéré - et la conviction que la justice n'est pas affaire de calcul.
*
Peut-on tuer un hologramme à coups de
fusil ?
*
Un scénario de (mauvaise) politique-fiction.
Demain, coup d'état à la Maison Blanche : DJT arrêté pour trahison de
l'intérêt supérieur de la Nation (en raison de sa gouvernance chaotique) par
une conspiration formée du vice-président Mike Pence, du conseiller Stephen K. Bannon,
du département d'état et de la CIA. Pendant les quelques minutes cruciales, DJT
a le temps de tweeter et demande à ses partisans de venir le libérer. Manifs et
contre-manifs en viennent aux mains. Le lendemain,
la Californie fait sécession. Fort de la levée en masse de ses partisans et de
milices trumpistes auto-proclamées dans les états du Sud, DJT finit par
reprendre le contrôle de la situation a Washington et fait exécuter les
traitres. L'armée de terre se divise. La Navy et l'US Air Force restent
neutres. L'Oregon, Washington state et la Nouvelle-Angleterre rejoignent la
sécession. Pour en finir, DJT anéantit Sacramento, la capitale de l'état libre
de California avec une arme nucléaire « d'a-peine » une mégatonne
tirée depuis in silo Minuteman du Dakota, et San Francisco "nid de
dégénérés antiaméricains", par la même occasion. Devant la réprobation universelle,
un commande aéroporté français en provenance du porte-aéronef Charles de Gaulle
en patrouille dans le St-Laurent, prend le contrôle de la Maison Blanche et
enlève DJT conduit en lieu sûr (sans son téléphone portable et sans accès
internet). Le Mexique en profite pour reprendre le contrôle de tous les
territoires anciennement connus comme New Mexico (l'état du même nom,
l'Arizona, le Nevada et une partie du Colorado), la Russie reprend le contrôle
de l'Alaska et le Royaume-Uni celui des 13 colonies félonnes à la Couronne.
Tout est bien qui finit presque bien.
*
Que faire quand les efforts de l'austérité ne sont pas récompensés ? Le
refus allemand d'alléger le service de la dette grecque conduira à la sortie
forcée de la Grèce de la zone €. Au service de quoi ? D'un « noyau dur »
européen resserré autour d'une orthodoxie budgétaire encore plus stricte,
c'est-à-dire conduisant à la destruction des États souverains plus faibles.
Dans la politique impérialiste qui a revu le jour en Europe depuis 2010, la
stratégie de l'assujettissement repose sur l'arme économique. Son idéologie est
l'ordo-libéralisme allemand. Mais au service de quel projet politique ?
*
Billet invité du 16 février 2014 –
fiche de lecture de :
Jean-François Poupart, Gallimard chez
les Nazis, Ed. Poètes de Brousses / coll. Essai Libre (Montréal), 2009
Oui, voilà, je crois avoir capturés quelques-unes de mes pensées
concernant l’antisémitisme en France, des idées diffuses qui d’un coup font
toile d’énoncés, de mises en rapport, d’interrogations… Une de mes obsessions
récentes (si je puis l’exprimer ainsi) concerne la résurgence et l’exploitation
du fond antisémite à travers l’affaire de l’humoriste. Pourquoi ? Depuis quand
? Quels sont les liens dans la culture profonde ? Dans l’inconscient collectif
? Dans les refoulements, les silences de l’histoire contemporaine ? Dans le
processus de victimisation, dans les alliances saugrenues de « la nouvelle
judéophobie » …
Voici d’abord les prémisses de ma thèse, ces faits sont connus de tout
le monde: pendant les « années noires » de l’Occupation (1940-1944),
la France fut activement antisémite, activement collaboratrice avec l’Allemagne
nazie, à la recherche d’un « nouvel ordre européen » que certaines
des élites culturelles et politiques de l’époque (sauf quelques exceptions, le
Général de Gaulle, les résistants de la première heure...) partageaient depuis
le début des années trente avec les mouvements anti-démocratiques: haine du
juif devenue de plus en plus outrancière à mesure que la guerre se rapprochait,
mise au ban des communistes, des francs-maçons, retour aux valeurs nationales
et pastorales, à l’archaïsme bienheureux d’une société préindustrielle, qui
sait même quels rêves d’Empire Carolingien reconstitué (vous noterez au passage
que l’alliance franco-allemande est la base politique de la construction de
l’Union Européenne), bref, une alliance objective des appareils d’état et de la
culture avec l’occupant nazi: le régime de Pétain.
L’intérêt de l’opuscule de Jean-François Poupart est de rappeler tous
les faits incontestables qui font mal, mis bout à bout ils démolissent les
idées bien pensantes et confortables d’une « résistance passive » de
la société intellectuelle, artistique face aux nazis. Cela m’a fichu un coup de
lire par exemple ceci :
« Une lettre de Gaston Gallimard
datée du 4 novembre 1940, soit un mois après la première loi concernant le
statut des juifs (3 octobre 1940), informe Jacques Schiffrin, juif non
pratiquant et fondateur de la Bibliothèque de la Pléiade, qu’il est renvoyé. »
Alors qu’on n’arrête pas de faire des procès sur l’attitude du
philosophe Heidegger en Allemagne (son affiliation au parti nazi au début des
années trente, le renvoi de son maître le philosophe Husserl de l’université
d’Heidelberg, parce que juif, ses propos antisémites publiés à présent dans ses
‘Carnets Noirs’ exhumés), je ne pense pas me souvenir de polémiques aussi vives
concernant les actes ou les silences ou les opportunismes ou les tricheries, de
foule d’écrivains français qui font partie du “patrimoine de la culture”, tous
ceux qui sont sortis plus ou moins blanchis, amnistiés, graciés, des foudres de
l’épuration, voire qui ont eux-mêmes proprement sautés sur l’occasion des
comités d’épuration pour se constituer une image respectable: les Sartre,
Camus, Giono, Paulhan, Cocteau, Marcel Pagnol, Jules Romain, Marcel Aymé, Sacha
Guitry, René Barjavel, Pierre Mac Orlan…. Non, je n’ai pas souvenir d’un
battage médiatique contre ces figures nationales, par contre, s’il faut bien
sacrifier quelqu’un, l’affaire est entendue, c’est Céline évidemment, le plus
fou d’entre eux tous, bon bouc émissaire du refoulement collectif. Et donc ma
thèse, que voici :
D’une part, les remugles actuels de l’antisémitisme relayés par un
certain humoriste et d’autres sympathisants puisent dans une riche tradition
française, très en pointe sur la question depuis le début du vingtième siècle,
et remise au gout du jour avec les combats anticolonialistes,
anti-impérialistes, anticapitalistes, conspirationnistes … ils renvoient à
cette haine séculaire de l’autre qui sait toujours si bien s’adapter aux
opinions du moment (ce premier énoncé je pense ne fait pas problème) ; d’autre
part, les réactions d’orfraie du « plus jamais ça » hurlé à grand
renfort d’indignations vertueuses de la part de l’élite culturelle française
(cas Céline en 2011, cas Dieudonné en 2014), sont le reflet de sa mauvaise
conscience, de sa conscience jamais nettoyée, jamais pacifiée depuis les
'années noires’, pour une simple raison: cette élite a refoulé qu’elle était
massivement antisémite, collaborationniste, elle s’est inventée avec la
complicité de la justice dans les années immédiates d’après-guerre une
virginité de bon aloi qui l’absolvait des ‘nécessités de l’existence sous
l’occupation’, elle a oublié, ou fait semblant d’oublier quel rôle elle avait
joué, il y allait de l’honneur national (De Gaulle voulait que la France fasse
partie des vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale, mais dans le fond je crois
que c’est Churchill qui avait raison, la France avait été vaincue, puis elle
avait fait la pute), elle a transformé la République en un immense monument aux
morts en instituant des ‘politiques mémorielles’ qui font des ravages, car la
connaissance historique a été sacrifiée dans l’affaire (Pierre Nora, grand
historien, a été très critique vis-à-vis de ces ‘politiques de la mémoire’,
c’est-à-dire de la victimisation de tout le champ social, historique).
Hanna Arendt a montré que le Mal absolu
se cache derrière des figures d’une grande banalité, fonctionnaires zélés,
exécutants d’un « ordre » qui les dépasse (Eichmann … ils ont tous
obéis aux ordres), je prétends ici que le Mal s’est caché très habilement aussi
derrière les figures pouponnes, esthétiques, baveuses, mielleuses, cocardières,
putassières et politiquement correctes (à leur époque) de nombreux intellectuels,
artistes, représentant « l’avant-garde, la conscience » de la société
… Je comprends mieux pourquoi mes sympathies instinctives vont à Céline, parce
qu’il était le plus fou, parce qu’il était le plus honnête avec lui-même dans
sa démesure, et parce que j’ai de la sympathie pour les salauds et les
persécutés plutôt que pour les arrivistes, et les « gens propres sur eux ».
Nous avons transformé avec bienveillance et amour les horreurs du passé
en cadavres embaumés pour éviter d’y réfléchir, de nous mettre en abîme dans
une recherche des racines du mal qui sont en nous ; nous avons transformés le
passé en un culte pour bisounours.
Le retour du refoulé à travers toute l’Europe de nos jours n’a rien d’étonnant.
Le retour du refoulé à travers toute l’Europe de nos jours n’a rien d’étonnant.
Une nouvelle « affaire
Céline » ?
C'est justement avec ceux que l'on aime le plus qu'il faut oser se
risquer à une lecture qui dérange.
L'appréciation que je fais de Céline n’a pas varié avec le temps : génie
littéraire et salaud et on peut être les deux personnes en même temps. Je ne
fais pas non plus de séparation tranchée entre une existence et une œuvre. Une
œuvre n’est jamais « hors sol », déconnectée du milieu qui l’a vu
naître – ce milieu étant le créateur de l’œuvre au premier plan. Il y a par
contre une différence d’appréciation entre ce qui est public, l’œuvre, les
écrits connus, publiés, destinés à un lectorat, à des auditeurs et ce qui
relève du privé : carnets, correspondance intime, « pensées »,
« sentiments », « opinions » que nous ne pouvons que
deviner. Notre regard critique doit être juste et ajusté à la différence de
perspective de l’homme public ou privé et reconnaître les différences tranchées
qui existent entre notre « être » (quel que soit le sens que l’on
donne à ce concept : notre intériorité, notre intimité, notre moi profond,
notre histoire) ; et notre personnage, notre surface d’apparition. Car
nous sommes les premiers à mettre en place ces stratégies de voilement /
dévoilement dans nos rapports multiples aux autres « apparitions » de
nos contemporains. Il n’y aura donc pas lieu de s’étonner qu’un auteur mette en
place des stratégies de contournement, de dissimulation lorsqu’il veut faire
passer un message qui pourrait lui porter préjudice. N’est-ce pas propre à
toute littérature digne de ce nom ? (à moins de prêter du crédit au
« parler vrai » des publicitaires).
J'aime l'œuvre de Céline et je m'intéresse aussi à qui il fut comme être
humain avec ses mesquineries, ses mensonges, ses actes crapuleux et comment il
se montra aux autres, acteur dans son
époque et co-créateur de son époque.
L'un n'empêche pas l'autre, sans jugement, œillères, parti-pris. Je déteste les
procès qui se déroulent en-dehors d'un tribunal et cette manie contemporaine de
certains intellectuels de s’auto-instituer procureurs, flics, inquisiteurs. Je
déteste profondément cette attitude qui relève d’une fascination inversée pour
ce qu’elle dénonce, au risque d’inventer les pièces du procès (détournement de
sens, interprétations abusives des textes, sélections et coupes). Par
contre : 1) si le travail d’enquête en vue de rétablir une certaine vérité
sur l’homme et l’œuvre est mené avec la rigueur, la méthode et l’honnêteté
intellectuelle d’un historien et 2) que l’auteur de ce travail ne se met pas la
place d'un procureur ou d'un avocat de la défense dans un hypothétique procès
imaginaire, alors, je suis prêt à accorder un intérêt sincère aux thèses qu'il
propose quitte à prendre le risque d’être bousculé fortement dans mes
convictions. Je ne lirai pas l’enquête avec un filtre que j’aurais déjà mis au
préalable entre ma lecture et mon jugement.
*
Réponse à la « Lecture vulgarisée
du premier paragraphe d'Être et temps
de Martin Heidegger » d’un ami
§ 1 : la nécessité d'une répétition expresse de la
question de l'être
Cher ami, vos développements de cette lecture richement commentée du §1
de E&T sont très intéressants et appelleraient à leurs tours d'amples prolongements.
Je me contenterai pour le moment d'une remarque concernant le dernier
paragraphe de votre texte : « Autant dire que le fond de la pensée de
Heidegger est celui de la psychanalyse... »
C'est sans doute aller vite en besogne et ne
pas rendre justice à la psychanalyse, dont le schématisme n'est plus depuis
longtemps (sauf peut-être encore chez d'irréductibles freudiens), celui d'une
méthode de « monstration » d'objets inconscients relatifs à une
fantasmatique œdipienne. Cette méthode naïve (l'inconscient comme réceptacle de
contenus latents que l'analyse va révéler) ne rend pas non plus justice à la
méthode de M.H. Je crois qu'il s'agit d'autre chose (et je ne prendrais pas
dans un sens littéral l'interprétation des « jugements secrets de la raison
commune » de Kant dans le texte de Heidegger) ; je prendrais plutôt
pour appui de cette réflexion - ce qui vous le verrez tient compte de votre
intuition d'une analogie avec la méthode analytique, analogie plus formelle que
phénoménologique, le « chiasme » proposé par Jean Greisch (dans son
excellent et classique ouvrage : Ontologie
et temporalité. Esquisse d'une interprétation intégrale de Sein und Zeit,
PUF coll. Epiméthée, 1994 à la page 73), où il écrit :
« Il n'est pas inutile de noter
que la question du sens de l'être se présente d'emblée sous la figure d'un
chiasme. Nous sommes invités à nous poser la question même que posait l'étranger
d'Elée : "Que signifie "étant"?", mais nous sommes
aussi invités à nous poser la question : "Qu'est-ce que se poser cette
question ?" »
Que me dit cette figure du chiasme en rapport
avec la psychanalyse ? Elle évoque cette idée selon laquelle « l'inconscient
est structuré comme un langage » (Lacan), c'est-à-dire, contre la
conception naïve des contenus latents qu'il faut rendre manifeste, que
l'inconscient est un lieu (topos) de production de discours, qui disent quelque
chose de la vérité du sujet et que la meilleure manière d'en rendre compte est
l'analogie de structure avec la langue (ou les structures de la parenté) ou
bien, oui, pourquoi pas, avec le chiasme de la question de l'Etre. Or, pour
M.H., la révélation du sens du Dasein est liée au temps - la fameuse section
manquante dans S&Z. Il développera par la suite l'idée d'inscrire le sens
du Dasein et de l'être dans une historicité particulière (où je ne me sens pas
tenu de le suivre). Mais c'est qu'il a déjà perdu de vue la fulgurance de sa
question initiale qui mettait au jour une structure et qu'il y a substituée la
forme appauvrie de contenus historiaux. Ceci demanderait de nouvelles
considérations.... En annexe à mon commentaire, ci-jointe la photo de la p. 73 du
livre de Jean Greisch avec le schéma que j'ai évoqué.
J'entends donc bien qu'une partie du discours philosophique, ou en
sciences humaines, s'appuie sur l'intuition intellectuelle ou l'herméneutique.
Votre explication implique-t-elle que la philosophie rigoureuse serait celle
qui aujourd'hui se limite à l'analyse du langage ? C'est le point de vue de la
tradition de la philosophie analytique anglo-saxonne, qui se démarque d'une
philosophie continentale confuse et à la limite délirante. La période des
systèmes logiques complets est terminée, depuis Hegel me semble-t-il. Que
reste-t-il alors comme méthode de réflexion en philosophie contemporaine qui ne
relèverait pas de l'intuition pure ? A l'extrême, reste-t-il quelque fond
légitime à philosopher aujourd’hui ? Ne vaudrait-il pas abandonner cette
discipline obsolète et faire de la science ou du sport, de la politique, que
sais-je ?
M.H. a débuté sa carrière philosophique par une thèse doctorale (rédigée
en 1913) : La doctrine du jugement dans
le psychologisme. Une contribution de critique positive à la logique dans
laquelle il combat le « psychologisme » dans la foulée de son maître
Husserl, i.e. une doctrine « réduisant la logique au psychique, le
psychologisme est incapable de comprendre la nature véritable des
significations logiques qui possèdent une validité qui transcende la
contingence psychique du sujet qui accomplit effectivement l'acte de jugement. »
(Greisch, op. cit. p. 9). Toute critique de l'herméneutique heideggérienne dans
E&T devrait repartir de la période de maturation des concepts d'E&T, à
partir du jeune Heidegger théologien jusqu'au professeur de Marburg - afin de
privilégier l'approche génétique indispensable sans laquelle je crois que l'on
commet de graves contresens à propos d'E&T. Mais très vite le jeune M.H. va
prendre ses distances par rapport à une théorie des significations
transcendantales et privilégier un autre axe d'analyse du problème des
catégories chez Aristote à partir de la question de l'histoire (la période du
monde ambiant et de l'herméneutique de la « facticité »).
*
Giorgio Agamben, Le mystère du mal. Benoit XVI et la fin des temps, Bayard, 2017
Passionnante lecture mais il me manque
beaucoup de clés pour comprendre les finesses de l'argument théologico-politique
d'Agamben concernant le lien entre l'eschatologie, le temps et la légitimité de
l'autorité politique. Il s'agit ici de la transcription d'une conférence
inédite prononcée en 2012 à l'occasion de la remise du titre de Docteur honoris
causa en théologie que lui décerna l'université de Fribourg. Le texte est un
commentaire du passage de l'Epître au Thessaloniciens de St-Paul (2 Th 2, 1-10)
:
« ... maintenant vous savez ce qui
retient et sera révélé en son temps. Le mystère de l'iniquité est déjà à
l'œuvre ; que seulement celui qui retient retienne jusqu'à ce qu'il soit mis
dehors, alors se révélera l'impie... »
Le commentaire est lui-même mis en perspective avec le geste du Pape
Benoit XVI lors de son renoncement à poursuivre le ministère d'Evêque de Rome,
geste à comprendre comme la reprise « d'une grande discessio, qui sera introduite par la revelatio définitive », geste qui n'a proprement de sens que
dans l'histoire de l'Eglise.
*
Si je le pouvais, j'annexerais les planètes
Cecil Rhodes, 1902
Citation en exergue du volume « L'impérialisme »,
in Origines du totalitarisme
Commentaire consécutif à la découverte d’exoplanètes du système Trappist : offrir du rêve à l’esprit
de conquête et d’expansion illimitée du capitalisme, mais aussi offrir des
possibilités d’émigration pour des idéalistes en quête d’utopies. L’histoire
des Etats-Unis au XIXème siècle montre en effet que de nombreuses communautés utopiennes
s’y sont fondées (New Harmony, Icarie, Oneida…) en suivant les phases de la
conquête, car sans doute ces deux phénomènes ont partie liées, l'un va avec l’autre.
L'expansion illimitée qui nourrit le capitalisme suppose l'existence d'espaces vierges
à conquérir, qui suscitent à leur tour le désir de fonder des communautés, de donner
de l’espace à de nouveaux corps politiques. La littérature de science-fiction
offre de nombreux exemples de ces propositions d’utopies fondées sur d’autres
planètes, ainsi, Robert Heinlein avec The Moon is a harsh mistress (1966)
et plus récemment la trilogie martienne de Kim Stanley Robinson, Red Mars, Green Mars et Blue Mars
entre 1992 et 1996.
trad. en 1971 de "The Moon is a harsh mistress" |
- Robert A. Heinlein, incipit de Révolte sur la Lune, 1966
Dans Révolte sur la Lune, Robert Heinlein imagine une révolution chez les "Lunatiques", les colons installés sur Luna City, qui publient leur déclaration d'indépendance le 4 juillet 2076, 300 ans après la déclaration de Philadelphie. Leur but est d'instaurer une utopie libertarienne. Leur mot d'ordre est : TANSTAAFL (There Aint't No Such Thing As A Free Lunch), que l'on peut traduire par "Il n'existe pas de repas gratuit". Les premières utilisations de cette expression célèbre dans la littérature économique remontent aux années 1930, sans qu'une source précise ait put être identifiée. L'expression est répertoriée dans une curieuse monographie de 35 pages intitulée Tanstaafl : a plan for a new economic world order publiée en 1949 chez un obscur éditeur de la petite ville de Canton dans l'Ohio (Cairo Publications) par un illustre inconnu (Pierre Dos Utt). L'expression est popularisée par Heinlein grâce à son roman et ensuite par l'économiste Milton Friedman. Elle est assimilée en micro-économie au concept de coût d'opportunité qui est une idée plus complexe à saisir qu'il pourrait y paraître en première analyse. On peut résumer le concept en disant que le "coût d'opportunité" représente le "second meilleur choix possible" dans toute situation où un choix économique est à faire entre options mutuellement exclusives, choix qui représente le "coût" perdu de la satisfaction que l'on aurait put en attendre. Par exemple, entre choisir d'investir (ou de travailler etc) et ne rien faire, le "rien" n'est pas "rien" justement, il a une valeur (plutôt qu'un coût), qui pourrait être par exemple pour telle ou telle personne le bénéfice de jouir de temps libre ou de ne pas avoir de soucis. L'expression populaire "il n'y a pas de repas gratuit" est donc plus profonde que ce qui est suggéré par sa littéralité ("tout à un coût", ou bien "la gratuité cela n'existe pas", ou encore "il y a toujours quelqu'un qui paye pour le bénéfice de quelqu'un d'autre" - toutes reformulations vraies dans le modèle de la micro-économie), elle veut représenter le fait que le "rien" a une valeur, ou pour le dire encore autrement, que rien n'échappe au principe d'utilité, lequel résulte nécessairement d'un choix sous contraintes (rareté des biens ou des services et satisfaction). Pour les libertariens, au-delà d'une dénonciation des coûts cachés de toute production de valeur (notamment dans le cas d'un système socialisé de redistribution des richesses), le coût d'opportunité est une reformulation du principe de Protagoras (Vè s. avant J.C.) selon lequel "l'homme est la mesure de toutes choses" et l'individu libre le seul étalon de la politique.
Se rendre sur Jupiter ou un système solaire à 40 années-lumière de la Terre relève de la Technique, mais ce n'est pas un problème, sauf à considérer - ce qui est caractéristique de la pensée techno scientifique - que tout problème correctement posé renferme déjà la moitié de sa solution. La question est d'essence politique : voulons-nous y aller et pour y faire quoi ? Toute l'aventure spatiale des années 1960 avec la course à l'espace initiée par les soviétiques, finalement gagnée par les américains avec les missions Apollo, procédait de ce paradigme volontariste. À contrario, il est tout à fait clair que c'est à partir du moment où la course fut gagnée par les américains, qu'elle ne les intéressa plus et que ce programme politique dégénéra en (mauvaise) gestion bureaucratique et purement technicienne. La NASA cherche à attirer l'attention du public par des annonces bien préparées et, via le renouvellement de son intérêt pour les découvertes qui concernent de près ou de loin les possibilités de vie ailleurs que sur Terre, les sources de son financement. Nous devinons ou projetons autre chose que de la science « désintéressée » sur cette affaire du système Trappist (et pour certains nous en reconnaissons l’humour belge bien particulier). Comme tout autre problème d'envergure qui enflamme l'imagination ou l'angoisse, ces questions scientifiques sont trop sérieuses pour être laissées à l'appréciation des seuls savants. Elles relèvent du champ politique.
*
S'il y avait aujourd'hui un moderne temple d'Apollon à Delphes où nous
consulterions l'Oracle, il n'y aurait plus d'épigraphe qui dirait « connais-toi
toi-même » mais « connais ta valeur de marché ».
*
Il y a deux ans
La transformation de la guerre moderne a généralisé les notions de
conflits partisans à tous les échelons de la souveraineté. Nous sommes dans
l'ère où les guerres ne sont plus conduites par des armées régulières, mais par
des assassins. Le soldat d'aujourd'hui est le meurtrier, et si possible, le
meurtrier de masse, anonyme, invisible, qui frappe par tous les moyens
possibles, y compris les plus inhumains, légitimés par cette antimorale de
l'hostilité absolue incarnée dans le corps du révolutionnaire, du partisan, du
hacker, du djihadiste.
- En lisant la Théorie du Partisan de Carl Schmitt.
*
Précédents épisodes du Théâtre des Opérations
*
Merci à :
Johann Chapoutot
Jean Greisch
et aux Armureries d’Isher d’A.E. van Vogt
pour leurs lumières
Remerciement spécial à Maurice G. Dantec (Grenoble, 13 juin 1959 –
Montréal, 25 juin 2016), « écrivain nord-américain de langue
française » comme il se définissait lui-même, à qui j’emprunte le titre de
« Théâtre des opérations » pour le texte que vous venez de parcourir.